Le grand test de la rentrée : quel patient êtes-vous ?

Recyclant sans vergogne les bonnes idées de Judge Marie qui nous gratifie chaque été d’un test de personnalité [1 & 2] d’une rigueur scientifique à faire pâlir les Cosmo et Grazia du monde entier, nous avons nous aussi décidé de remettre le couvert cette année.
En 2014, nous vous proposions de découvrir quel genre de médecin vous étiez. A l’orée de la rentrée, alors que vous allez emmerder retourner chez votre médecin pour mettre à jour votre carnet de vaccinations et renouveler votre certificat d’aqua-zumba (ou pire), nous vous livrons LE test infaillible pour découvrir votre profil en tant que patient. Reconnaissez que jusque-là, l’enchaînement est d’une logique implacable.

Vous connaissez le principe, chaque réponse est associée à un petit symbole : vous choisissez la réponse qui vous correspond le plus, vous faites la somme de chaque symbole obtenu, et enfin seulement vous vous rapportez aux résultats en bas de page (ne trichez pas, vous n’avez plus 5 ans comme lorsque vous commenciez les labyrinthes par la sortie dans le Journal de Mickey).
N’ayant pas voulu décevoir nos lecteurs les plus indécis, obsessionnels, voire présentant de légers troubles de la personnalité, nous avons aussi réalisé quelques triviales vérifications statistiques afin de vous permettre de Lire la suite

Everybody lies

Lors de la publication d’un précédent billet, certains lecteurs avaient « reproché » à Tiben de mentir à ses patients (en fait il se « contentait » d’utiliser un raisonnement non logique, mais sans rien avancer de réellement faux).
En revanche, mentir aux patients, ça peut nous arriver, et après en avoir discuté longuement avec d’autres soignants récemment il nous a semblé que ce mensonge pouvait même faire partie du soin sans être contraire à l’éthique. Voilà à quoi ça peut ressembler.

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Vendredi, 16h, au cabinet du Dr Tiben :

M. Cuterie est allongé sur la table d’examen. Je viens de lui recontrôler la pression artérielle aux deux bras : 130/70. On ne peut pas faire mieux. D’ailleurs, son examen clinique est strictement normal. M. Cuterie a 67 ans, il est diabétique, hypertendu, a arrêté de fumer l’an dernier. Il ne se plaint jamais de rien, se tient habituellement loin des médecins (vu qu’il n’est « jamais malade »), mais il écoute et respecte parfaitement les prescriptions. Bon, il a une conception toute personnelle des règles hygiéno-diététiques mais bon an mal an ses facteurs de risque sont à peu près contrôlés.

Oui mais voilà, fait inhabituel, ce matin M. Cuterie a appelé pour Lire la suite

Tu fais quoi dans la vie ?

« Tu fais quoi dans la vie ?
– Je suis pédiatre.
– Ah, tu bosses dans un cabinet ?
– Non, à l’hôpital [j’élude souvent la partie thèse de science et laboratoire de recherche pour ne pas perdre complètement mon interlocuteur dans les méandres de mon bac + beaucoup]
– Ah, et tu fais quoi exactement alors ?
– De l’oncologie pédiatrique [tentative de noyade de poisson avec un terme compliqué]
– De la quoi ?
– De la cancérologie. Avec des enfants. Des enfants qui ont un cancer [attention silence gêné dans 4, 3, 2, 1…]
– …
– …
– Pfiou, je sais pas comment tu fais. Je serais incapable de Lire la suite

La dérive des incontinents

D’autres ont déjà évoqué la difficulté de soigner les gens qu’on connaît bien, qu’on aime trop, le manque de recul pourtant nécessaire. Le risque de déni face des symptômes pourtant alarmants ou la compréhensible inclinaison à penser au pire.
A contrario, il n’est pas toujours facile de se positionner autrement que comme un soignant face à la maladie ou au handicap d’un proche. Avant que cet état de fait ne finisse par s’imposer à moi au fur et à mesure de mon parcours, on m’avait un peu forcé la main au commencement : « Tiens, toi qui étudies la médecine, tu accompagneras ton papi à sa consultation. » J’étais donc planté là, sur ma chaise, censé lubrifier le dialogue entre un grand-père un peu taiseux qui avait quand-même fini par nous signaler qu’il avait des rectorragies, et celui qui allait devenir son chirurgien digestif.
Mais en termes de lubrification, j’aurais tout de même préféré être consulté avant d’assister à son toucher rectal. Voir à vingt ans son grand-père se faire explorer le fondement par un inconnu, fût-il accoutré d’une blouse blanche, c’est un peu la fin de l’innocence. Bah quoi, j’étais en médecine ou j’étais pas en médecine ?
Une fois rentrés, je fus logiquement mis à contribution pour l’aider à se faire un lavement. Et moi de tirer la chasse sur ma candeur. Perdue pour perdue…

Mais ce serait leur faire un faux procès que de rejeter sur d’autres l’origine de cette bizarrerie relationnelle : ils n’avaient fait qu’accélérer un peu le processus. Quand on aimerait parfois Lire la suite

La mort en face

Quand j’étais en P2, flottant gaiement dans ma blouse taille 5, j’ai vu mon premier mort. Il était dans la 3ème chambre à gauche. La porte était ouverte quand j’étais passée le matin. Il s’appelait Monsieur F. Je ne sais plus de quoi il est mort, je me souviens que la veille, j’avais vu chez lui ma première dyspnée de Kussmaul. J’ai appris que c’est grave une dyspnée de Kussmaul, et qu’en médecine, les gens meurent (en fait, je l’avais déjà vu à la télévision, dans « Urgences », que les gens pouvaient mourir… mais ce n’est quand même pas pareil en vrai).

Quand j’étais en D2, flottant gaiement dans mon pantalon toujours taille 5 du SAMU, j’ai vu mon premier mort défenestré. Je revois la cour de l’immeuble en brique et la compagne de cet homme. Elle criait : « C’est de ma faute, c’est de ma faute ! » Il l’avait menacé de sauter si elle appelait la police, elle avait appelé la police, il avait sauté. J’ai compris que lors d’un décès, c’est surtout de l’entourage dont il est urgent de s’occuper. Ce que l’on n’a pas fait, car appelés sur une autre intervention, mais je me console en me disant qu’un médecin comme Armance a pu finalement Lire la suite

Les crocodiles de Central Park sont tristes le mercredi

C’était une consultation banale pour moi, mais pas pour lui.
Il ne voulait plus consulter pour ça et puis il s’est laissé convaincre, par un inconnu dans le métro ligne 9. Un inconnu qui lui a dit : « J’ai vu la dame avec le bébé qui a changé de place quand vous vous êtes assis. J’ai eu mal pour vous. Moi aussi j’ai connu ça, moi aussi j’étais couvert de psoriasis, allez la voir ! » Et il lui a écrit mon nom et celui de mon hôpital.
(notez au passage comme *subtilement* je vous case que je suis un peu une star sur la ligne 9, NKM peut bien aller se rhabiller)

On avait fini les antécédents et les comorbidités, on avait retracé l’histoire de sa maladie, je vous la fais courte : vingt ans de psoriasis sévère, vingt ans d’échec de traitements locaux et deux cures de photothérapie avec des rechutes rapides à chaque fois. Depuis dix ans, il ne faisait plus rien.
Je l’ai examiné, j’ai calculé la surface cutanée atteinte : 34 % (c’était beaucoup).
Et puis j’ai abordé la qualité de vie.

Il m’a dit que ça allait, qu’il s’était habitué. « Ahhh ben tant mieux alors, on va pouvoir ne rien faire ! » Bon, ok, je déconne, j’ai posé des questions plus précises :
« Au Boulot ?
– Ça va, je bosse dans une boîte de transport routier, avant j’étais commercial, mais j’ai dû arrêter. Parce que vous voyez, y a des jours j’étais vraiment pas présentable. Et puis voir les gens mettre les mains dans leur poche au moment de me serrer la main, ça me faisait mal dix fois par jour. Je me suis dit que je n’étais pas obligé de m’infliger ça. Mon patron c’est un mec bien, il m’a gardé quand même. Maintenant, je suis chauffeur, je suis tranquille dans mon camion, personne ne m’emmerde. Surtout depuis que je suis passé de nuit, j’ai moins de questions. Franchement ça va.
– En famille ?
– Pas de problème, la famille, c’est la famille. Ils sont habitués depuis le temps, même mes gosses hein, ils sont grands maintenant, ils m’appellent « Papa Crocodile », ça me fait Lire la suite