Les crocodiles de Central Park sont tristes le mercredi

C’était une consultation banale pour moi, mais pas pour lui.
Il ne voulait plus consulter pour ça et puis il s’est laissé convaincre, par un inconnu dans le métro ligne 9. Un inconnu qui lui a dit : « J’ai vu la dame avec le bébé qui a changé de place quand vous vous êtes assis. J’ai eu mal pour vous. Moi aussi j’ai connu ça, moi aussi j’étais couvert de psoriasis, allez la voir ! » Et il lui a écrit mon nom et celui de mon hôpital.
(notez au passage comme *subtilement* je vous case que je suis un peu une star sur la ligne 9, NKM peut bien aller se rhabiller)

On avait fini les antécédents et les comorbidités, on avait retracé l’histoire de sa maladie, je vous la fais courte : vingt ans de psoriasis sévère, vingt ans d’échec de traitements locaux et deux cures de photothérapie avec des rechutes rapides à chaque fois. Depuis dix ans, il ne faisait plus rien.
Je l’ai examiné, j’ai calculé la surface cutanée atteinte : 34 % (c’était beaucoup).
Et puis j’ai abordé la qualité de vie.

Il m’a dit que ça allait, qu’il s’était habitué. « Ahhh ben tant mieux alors, on va pouvoir ne rien faire ! » Bon, ok, je déconne, j’ai posé des questions plus précises :
« Au Boulot ?
– Ça va, je bosse dans une boîte de transport routier, avant j’étais commercial, mais j’ai dû arrêter. Parce que vous voyez, y a des jours j’étais vraiment pas présentable. Et puis voir les gens mettre les mains dans leur poche au moment de me serrer la main, ça me faisait mal dix fois par jour. Je me suis dit que je n’étais pas obligé de m’infliger ça. Mon patron c’est un mec bien, il m’a gardé quand même. Maintenant, je suis chauffeur, je suis tranquille dans mon camion, personne ne m’emmerde. Surtout depuis que je suis passé de nuit, j’ai moins de questions. Franchement ça va.
– En famille ?
– Pas de problème, la famille, c’est la famille. Ils sont habitués depuis le temps, même mes gosses hein, ils sont grands maintenant, ils m’appellent « Papa Crocodile », ça me fait marrer. Mais moi ce que je veux pas, c’est qu’ils en aient, du psoriasis. Et puis surtout, je veux pas leur faire honte. Aux réunions de parents, je m’habille comme il faut avec des manches et tout et je me mets au fond. Si on se moquait d’eux à cause de moi, ça, ça me foutrait en l’air.
– Et les amis ?
– Les amis, ça va, j’en ai pas des masses mais j’ai des bons potes, ils comprennent. Y a juste mes copains du rugby que je ne vois plus, c’est… Vous connaissez le rugby docteur ? Enfin, bref, c’est physique, y a du contact, voilà, donc c’était plus possible. Même les douches après, plus possible. J’ai arrêté. Mais ma première passion, c’était la natation. Quand j’étais ado, j’étais champion régional. Forcément avec le pso j’ai complètement laissé tomber. Mais ça va, ça me manque pas trop. Juste, le truc qui me rend dingue, c’est que, putain, j’étais vraiment un bon nageur et c’est pas moi qui apprendrai à nager à mes gosses, ça, ça me tue.
– Et avec votre épouse ?
– Ça va, elle est super, on est ensemble depuis vingt ans, on en a traversé des trucs… Alors le pso c’est rien ça ! Non, elle est super, et on est solides, j’ai vraiment de la chance. Et puis on se connaît bien, alors on a nos habitudes, par exemple quand on fait l’amour, ben voilà, c’est dans le noir et puis elle me touche pas. C’est notre façon à nous quoi. »
…/…

Des patients comme ça j’en ai plusieurs par mois. Je crois que nous avons un vrai problème avec ces malades-là.
Le psoriasis touche 3 millions de malades en France, alors évidemment ce n’est pas avec ça qu’on va frimer dans les soirées mondaines : « Aujourd’hui j’ai diagnostiqué un psoriasis ! »
Le diagnostic est somme toute assez facile, même pas besoin d’être dermatologue pour le faire. Les patients qui viennent sont généralement déjà au courant, alors du coup pour la gloire on repassera. Pas super gratifiant.
En plus, le psoriasis, c’est chiant : on donne des traitements locaux qui souvent ne fonctionnent pas bien, ou alors un temps seulement puis ça rechute, les malades reviennent, ils ne sont pas contents, ils nous renvoient notre impuissance à la figure. Et ça on déteste.

Et puis bon aussi, ce n’est pas grave, enfin à part deux ou trois formes qu’on apprend dans les bouquins mais sinon, ce n’est pas grave. Parce que quand tu soignes des trucs incurables mais bien graves, t’as au moins une chance qu’on parle de toi au Téléthon ; mais incurable et pas grave, c’est pas avec ça que tu vas être interviewé par Sophie Davant.
Enfin, avouons le : les malades parfois, on les trouve pénibles. Souvent, ils ne font même pas bien les traitements qu’on a la bonté de leur prescrire sous prétexte que c’est désagréable de s’enduire plusieurs fois par jour le corps ou les cheveux de pommades dégueulasses. Ou alors que s’absenter du boulot trois fois par semaine pour faire de la photothérapie, ça ne serait pas pratique… Ben oui mais qu’est ce qu’on y peut ?

Alors certains médecins ont un truc, ils leur disent : « c’est à cause du stress », « c’est psychologique », « il faudrait que vous fassiez un travail sur vous pour aller mieux ». Vraiment, je vous conseille cette technique quand vous n’y arrivez pas trop avec une maladie ou un malade. Le patient va comprendre très vite que tout est de sa faute, et il arrêtera de vous casser les pieds avec sa maladie qui ne guérit pas. Si vous vous débrouillez bien, parfois il arrêtera même de venir vous voir…
Ça marche tellement bien que plus de 20% des patients atteints de psoriasis ne consultent plus et 37% se tournent vers les « médecines alternatives ». Les charlatans profitent gaiement du désespoir des patients et de la démission des médecins pour vendre du lait de jument et plein d’autres foutaises

De médecins en médecins, y compris tout un tas de dermatologues, on a réussi à les convaincre qu’il n’y avait rien à faire.
Parfois simplement en ne leur proposant RIEN (psy-cho-lo-gique on a dit).
Souvent en les prenant un peu pour des cons en leur prescrivant les mêmes topiques cortisonés sous des noms différents.
Très souvent en ne repérant pas le moment où la maladie est au-delà des possibilités des traitements topiques (en gros au-dessus 10 % de surface corporelle c’est mort pour les crèmes) et où il faudrait passer à un traitement systémique.
Enfin, et c’est moche et sûrement pas très confraternel de dire ça : parfois en repérant très bien le moment où il faudrait passer la vitesse supérieure en thérapeutique, mais où on ne le fait pas malgré tout. Parce que les traitements sont lourds, parce qu’on ne sait pas faire, parce qu’on n’a pas envie d’adresser le patient au confrère. Surtout que quand même, ce n’est pas comme si c’était grave…

Sauf qu’en fait, c’est quoi une maladie grave ?
Une maladie qui risque de faire mourir ? Là-dessus, tout le monde sera à peu près d’accord (mot-clé : engagement du pronostic vital).
Ou alors une maladie qui risque de rendre sourd, aveugle, paralysé ? Là aussi, le consensus est facile. (mot-clé : engagement du pronostic fonctionnel).
Mais encore ? Une maladie juste extrêmement pénible, une maladie qui pourrit la vie dans ses multiples aspects, est-ce grave ? (mot-clé : engagement du pronostic happiness de la vie ?) Alors, de ce point de vue-là, le psoriasis tire bien son épingle du jeu. Parce que cette maladie se voit, parfois beaucoup, et que la peau n’est pas n’importe quel organe. C’est celui par lequel on entre en contact avec les autres. Un organe d’interface, un organe social, ce n’est pas rien…

Et donc, le psoriasis est une maladie qui repousse les autres.
Alors, il ne faut pas être naïf, si on a des données chiffrées sur la qualité de vie des patients souffrant de psoriasis et sur leur stigmatisation c’est en partie parce que Big Pharma s’y intéresse (maladie fréquente et traitements parfois couteux, voilà une mine d’or qui n’a pas échappé à l’industrie pharmaceutique). On peut légitimement penser qu’il y a plein d’autres maladies stigmatisantes et altérant la qualité de vie sur lesquelles on a très peu de données parce qu’il s’agit de maladies rares ou pour lesquelles on n’a pas de traitement (la Maladie de Verneuil par exemple). Il n’empêche que les chiffres sont là et qu’ils interrogent.
Ainsi par exemple 16,6 % des français pensent que le psoriasis est contagieux, 6,8% qu’il est lié à un problème d’hygiène corporelle, 8 % ne voudraient pas être amis avec quelqu’un atteint de psoriasis, 30 % ne l’embrasserait pas et 44 % éviteraient les relations sexuelles avec cette personne.

Et du fait de leur stigmatisation et de la perte de l’estime de soi, il arrive souvent que les patients atteints de psoriasis : aient du mal à trouver du travail, n’osent plus faire de sport (quand ils ne se font tout simplement pas virer de la piscine devant tout le monde comme cela est arrivé à une de mes jeunes patientes alors âgée de 8 ans…), aient des difficultés dans leur vie de couple et finalement se replient sur eux et statistiquement soient plus sujets à la dépression (30 % des patients voire plus selon les séries) allant jusqu’aux idées suicidaires (7,2 % des patients souffrant de psoriasis sévère). Et que tout cela aggrave le pso qui aggrave le repli, cercle infernal…

Alors bien sûr, il faut informer, lutter contre les préjugés et les attitudes discriminatoires, mais vu la lenteur avec laquelle les mentalités changent, vous comprendrez que dans un élan de pessimisme, je juge préférable de faire quelque chose pour les malades plutôt que d’attendre que les autres évoluent. Il se trouve que nous avons des médicaments efficaces à disposition. Efficaces mais pas anodins : la photothérapie, l’acitrétine, et certains immunosupresseurs comme le méthotrexate, la ciclosporine et les médicaments biologiques (anti-TNF, anti-IL12/IL23).
Ahhh et avant que tout le monde ne me jette des cailloux, j’ai des conflits d’intérêt, c’est-à-dire que j’ai déjà été invitée à des congrès par des labos commercialisant des anti-TNF. Il n’empêche, s’il est bien dans l’intérêt de Big Pharma qu’on prescrive ces traitements, les laboratoires pharmaceutiques n’ont pas créé ce besoin de toute pièce comme on a pu le voir dans d’autres situations : l’altération de la qualité de vie des patients peut tout à fait justifier d’une telle prescription (à condition que le patient soit bien informé, et que le médecin sache faire, évidemment).

Car qu’observe-t-on quand on s’intéresse à la qualité de vie des patients souffrant de psoriasis ?
Concernant la composante physique, ces patients se sentent plus diminués que les patients atteints de cancer ou de polyarthrite, et autant que les diabétiques ; seuls les insuffisants cardiaques ont un score plus mauvais.
Et concernant la composante psychique, le retentissement du psoriasis est plus important que TOUTES les autres pathologies chroniques étudiées en dehors de la dépression et des affections pulmonaires chroniques (donc seules la mélancolie et la dyspnée seraient pires à vivre, ça interpelle).
Il serait bien idiot de faire un palmarès des maladies les plus horribles, mais cela met en lumière au moins deux choses :
…..– Le point de vue du médecin est très souvent bien différent de celui du malade (très valable pour le psoriasis, mais pas seulement).
…..– Quand on a une maladie grave, on est soutenu (enfin je crois, enfin j’espère). Quand on a un psoriasis, on est rejeté. Visiblement ça change tout.

Alors bien sûr la qualité de vie n’est pas altérée de la même manière d’un patient à l’autre et j’ai ainsi des patients différents ayant à peu de chose près la même atteinte en terme de surface corporelle, certains s’en fichent ou presque, et d’autres sont malheureux comme les pierres… Alors, bien évidemment pour les soigner on définit la balance bénéfice/risque par rapport au ressenti du patient. Parce que celui qui vit bien avec ses plaques, personne n’a trop envie de lui donner un traitement lourd et pas anodin (à juste titre). Mais celui qui ne sort plus de chez lui avec ces mêmes plaques, j’ai du mal à le laisser dans sa désespérance, et je n’ai aucun problème à proposer un traitement immunosuppresseur à partir du moment où il a bien compris les contraintes et les risques de cette option (ce qui sous-entend également que je prends le temps de lui expliquer en détail).

Ainsi, la surface corporelle atteinte, ne suffit pas comme outil de sévérité. Il faut pouvoir évaluer la qualité de vie et, incroyable mais vrai, on peut le faire avec ce questionnaire.
Alors ouais, on n’a pas trop l’habitude, et en général les médecins préfèrent des scores avec une gueule un peu plus « scientifique », genre « si le rapport du taux de lymphocytes CD7- CD28+ divisé par la magnésurie exprimée en mmol/l est supérieur à 22, alors c’est une indication à… »

Et c’est là où je voulais en venir. Le psoriasis, c’est le modèle même de maladie dite « de la qualité de vie », où c’est finalement le patient qui est le mieux à même de définir la gravité de son affection, gravité qui guidera ensuite les choix thérapeutiques.
Il n’est pas impossible que ce soit aussi pour cela que certains médecins n’aiment pas s’en occuper. C’est une autre médecine, moins paternaliste, presque une mini révolution : « la gravité définie par le malade. » Mais moi j’adore cette médecine (il faut dire que j’ai un goût certain pour les révolutions…)

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Bibliographie sélectionnée :

Rapp et al. (1999) : Psoriasis causes as much disability as other major medical diseases

Dubertret et al. (2006) : European patient perspectives on the impact of psoriasis – The EUROPSO patient membership survey

Chosidow et al. (2010) The Risk of Depression, Anxiety, and Suicidality in Patients With Psoriasis

Bouguéon et al.  (2008) : Dépression et psoriasis

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Outil pratique :

Questionnaire de qualité de vie du patient de dermatologie

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36 réflexions sur “Les crocodiles de Central Park sont tristes le mercredi

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  4. Il me semblait qu’il peut effectivement y avoir une composante psycho-somatique dans la survenue des poussees (sur un stress par exemple).
    MAIS, en quoi cela devrait-il nous faire negliger cette maladie? Au contraite, savoir que stress > poussee > mal vecu par le.la patient.e qui stresse encore plus > poussee aggravee, ca me semble important.
    On a encore un gros probleme avec tout ce qui touche au psycho-somatique, comme si une composante psycho-somatique « disqualifiait » le malade….
    Bref, c’est un detail dans ton post, qui est vraiment genial, un grand merci!

  5. Billet beaucoup trop optimiste.
    J’aurais aimé le pourcentage de patients améliorés à 12 semaines.
    Ainsi que la quantité et la qualité des effets indésirables graves des anti tnf, voire, bien avant, du methotrexate que je vois prescrire en ville hors AMM et pour des altérations minimes de la qualité de vie, qui auraient pu être mentionnés.
    Très optimiste, donc.
    J’ai l’impression d’avoir lu un dépliant publicitaire, un argumentaire, et une attaque directe contre les médecins qui croient que c’est psychologique.
    Merci de me fournir les chiffres, je serais intéressé. Je me trompe peut-être.
    Une maladie de qualité de vie traitée par des produits potentiellement dangereux ?
    Faut voir.
    Bonne soirée.

    • Ce texte pour moi est écrit avec empathie et douceur, n’en déplaise à ceux qui ne voient que chiffres ….et se désolent de ne pas voir de pourcentage .Ce que tout médecin devrait avoir en lui, c’est cette part d’humanité.Il est parfois nécessaire de ne pas voir que le côté technique.Et oui il me plait ce texte et bravo à Boutonnologue pour ces lignes

    • Cher Docdu16,

      Je comprends parfaitement tes réticences, les traitements systémiques du psoriasis ne sont pas anodins et doivent être prescrits en ayant :
      – soigneusement pesé le rapport bénéfice/risque,
      – loyalement informé le patient,
      et doivent être encadrés par un bilan pré-thérapeutique et un suivi rigoureux.

      Si je n’ai pas détaillé les données de tolérance et d’efficacité des différents traitements, c’est tout simplement parce que ce n’était pas mon sujet (ça je le fais en cours pour mes étudiants).
      J’ai choisi de me centrer sur la qualité de vie des patients qui à mon avis (parti pris que j’assume) doit entrer dans la réflexion bénéfice/risque lorsque le médecin prend une décision thérapeutique (ce qui ne veut pas dire nier les risques, ce serait à la fois absurde et inconscient).

      Puisque tu me demandes quelques données chiffrées, je te propose (au sein d’une littérature plus que riche) 2 articles assez « propres » sur l’adalimumab (on peut trouver le même genre de données pour l’infliximab, l’etanercept et l’ustékinumab). Dans le 2ème il y a une comparaison avec le méthotrexate, ainsi tu as des données également sur ce produit :
      http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/17936411.
      http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/18047523.
      L’efficacité est quand même indiscutable avec plus de 70% des patients améliorés à 75% à S12 sous biothérapies anti-TNF ou anti-interleukines.
      L’efficacité du méthotrexate est elle de l’ordre de 60% (un peu inférieure dans cet article mais les doses sont augmentées trop lentement pour le end point).

      Concernant la tolérance, voici cette étude, concernant toujours l’adalimumab (histoire de mettre en balance efficacité et tolérance pour la même molécule) dont la méthodologie est très clean : http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3595151/pdf/annrheumdis-2011-201244.pdf.
      Comme tu le verras elle reprend avec 12 ans de recul sur plus de 23 000 patients les données de tolérance dans différentes indications (PR, Crohn, SPA, rhumatisme pso et psoriasis). Il existe essentiellement un sur-risque modéré d’infections sévère (ce à quoi on pouvait s’attendre s’agissant d’un immuno-supresseur) sans mauvaise surprise du côté des cancers et lymphomes. Je peux détailler bien plus mais ça va devenir indigeste, tout est dans l’article.

      Enfin, même Prescrire (qu’on peut difficilement soupçonner d’inconséquence en matière de bénéfices-risques) émet un avis favorable sur les traitement systémiques dans le psoriasis modéré à sévère, en cas d’échec des autres alternatives, Cf. les Idées-Forces Prescire de janvier 2013 sur le sujet (http://www.prescrire.org/Fr/EDFF6C24BFD0B03072953700C3FB0ADF/ViewClipping.aspx).

      Quand au fait que le psoriasis soit une maladie psychologique, je pense que les implications génétiques, les désordres de la voie du TNF ou de l’angiogénèse etc… ne sont plus à démontrer. Il s’agit d’une maladie pluri-factorielle avec comme beaucoup de maladies chroniques des facteurs psychologiques potentiellement aggravants. Il faut les prendre en charge, bien sûr, mais ça ne peut pas être le seul traitement, mais je ne pense pas que telle était ta pensée.

      Pour conclure, mon propos n’est nullement « prescrivons des immuno-supresseurs à tout va dans le psoriasis » mais « prenons en compte la qualité de vie du patient comme un critère de sévérité lors de nos choix thérapeutiques par ailleurs raisonnés et éclairés »

      Bien à toi.

      • Merci beaucoup.
        Je lirai avec attention tous les articles pour me cultiver.
        Cela dit, la tonalité du billet était très enthousiaste et peu critique. Ce qui me dérange a priori. Comme toujours en médecine les malades les plus graves sont « mal » traités et les malades les moins graves sur traités. Car je vois beaucoup d’excès hors AMM dans ma patientèle.
        Il faut que je change de région pour éviter les dermatologues trop interventionnistes.
        merci encore.

  6. Ton billet m’a fait penser à ma maladie. Un truc invisible, par contre, mais une maladie qui a aussi eu sa dose de médecins ignorants ou démunis qui invoquaient le dieu psy, ses patients prêts à se tourner vers des pratiques étranges pour guérir, et surtout, le fait que seul le patient connait vraiment sa maladie, et que les médecins sont démunis devant cette nouvelle approche de la médecine (diagnostique uniquement clinique, importance des douleurs, variation importante du handicap selon les jours…)
    En tous cas, merci, merci de ce regard différent que tu poses avec tes mots…

  7. Merci d’avoir écrit sur cette pathologie « honteuse ». Ce serait bien de préciser 1) qu’il s’agit d’une maladie du système immunitaire, pas de la peau 2) qu’une des évolutions, tout à fait « grave », est celle du rhumatisme psoriasique – qui pour ma part m’a transformée en handicapée à 80% à 20 ans- 3) que les biothérapies ne sont pas forcément le nec plus ultra. L’Humira a « réveillé » la maladie de peau (qui avait disparu en se déplaçant dans les tissus spongieux) et, disons, accéléré un cancer…

    • Bonjour,
      J’ai volontairement évité de faire un « cours » sur le psoriasis (physiopathologie, traitements…) pour me concentrer sur le point de vue du patient, l’ignorance du grand public et l’inertie de certains soignants. Le rhumatisme psoriasique qui touche environ 20% des patients souffrant de psoriasis est, vous avez raison, une forme grave. Fort heureusement la reconnaissance la gravité rhumatologique pose peu de problèmes et il y a moins de réticences aux traitements systémiques (qui effectivement ont leurs inconvénients, sont plus ou moins bien supportés comme tous les traitements…)

      • Bien sûr, c’était bien d’éviter! Je le précisais juste parce que j’ai remarqué que beaucoup (médecins inclus) se focalisent sur le visible, justement, or au fond (si j’ose dire) le psoriasis n’est qu’un symptôme.

  8. Moi je ne suis pas médecin et dans mon entourage immédiat personne ne souffre de psoriasis, je fais donc partie de cet entourage social ignorant, et je crois bien qu’au décours de certains passages de l’article je me suis reconnue dans ce vilain regard posé sur ces gens qui souffrent. Une grande claque pour moi qui suis persuadée de porter en banière des valeurs anti exclusion, respect des différences et gna gna gna. Merci pour ce post qui change véritablement mon regard !

  9. Ca peut s’appliquer aussi à d’autres pathologies « bénignes » mais incurables comme la rosacée…
    Pas « grave » mais qui peut bien pourrir la vie quand même !

  10. Souffrant d’eczéma chronique et important, je suis heureuse d’ entendre ce son de cloche de la part d’ un professionnel . Ça fait deux ans que je ne vois plus de médecins, fatiguée de ne pas avoir de réponses et aujourd’hui, je ne parle que de contrôle et absolument plus de guérison. J’ espère que les mentalités changeront et en premier lieu dans les milieux médicaux.

  11. Voilà un article qui m’a profondément touché. J’ai du pso depuis 17 ans et la seule chose qui me fait tenir c’est mon homme qui me dit qu’il m’aime.
    J’ai connu l’exclusion de la piscine devant tous les clients parce que j’avais des plaques sur les jambes, le regard de mes filles qui ne comprennent pas du haut de leur 9 et 7 ans pourquoi maman met des pantalons même quand il fait 30 degrés et les dermatos qui disent que c’est dans la tête, parce que j’ai du poids à perdre ou encore que c’est à cause de mon alimentation.
    Cet article m’a bouleversé. Et il faut que je le partage un maximum. J’aimerais tellement ne plus avoir à entendre cette terrible phrase qu’un ado a dit en voyant une plaque naissante sur le haut de mon front : »attention, elle a le sida, regarde elle a des lésions au visage ».

  12. Bonjour, c’est peut être parce que je suis fatiguée, mais j’espère que ce passage est ironique :

    « Enfin, avouons le : les malades parfois, on les trouve pénibles. Souvent, ils ne font même pas bien les traitements qu’on a la bonté de leur prescrire sous prétexte que c’est désagréable de s’enduire plusieurs fois par jour le corps ou les cheveux de pommades dégueulasses. Ou alors que s’absenter du boulot trois fois par semaine pour faire de la photothérapie, ça ne serait pas pratique… Ben oui mais qu’est ce qu’on y peut ? »

    Il est vrai que ça peut être agaçant, pour vous les médecins, qu’on n’applique pas le traitement que vous nous conseillez, dans ce cas cela peut exprimer le fait qu’il ne nous convienne pas, et que vous pouvez nous proposer un autre traitement?
    Pour la photo thérapie, avec mon dermato, en effet c’est contraignant parce qu’il y a de monde pour une seule machine, donc trouver un créneau qui serait convenable est une vraie négociation. Pourquoi pas proposer une ouverture d’une infrastructure pour ce type de traitement, et d’autres demandant des appareils(comme des lasers etc), encadré par des dermatos ? Cela permettrait plus de flexibilité dans les horaires.
    Sinon, article très intéressant, avec un point de vue différent que d’habitude. Un peu de fraîcheur sur cette maladie!

    Bonne soirée

    • Vous espérez bien, ce passage est évidemment ironique, et souligne les contraintes des traitements topiques ou de la photothérapie, et le manque d’écoute/empathie de certains médecins confrontés à des psoriasis difficiles à contrôler.

      Après le gros avantage des topiques c’est qu’ils suffisent la plupart du temps, et ont peu d’effets indésirables, donc c’est une contrainte qu’il est légitime de proposer aux patients en première approche (dans les bonnes indications : surface corporelle limitée, pas de rhumatisme, etc.)

  13. Expérience personnelle : je pense que l’environnement a une très large « responsabilité ». En effet, j’étais avant dans l’ouest (région d’Angers et Nantes) sans avoir aucun souci (quelques plaques sur les genoux qui n’avaient même jamais été étiquetées psoriasis, ça ne me gênait pas et je ne consultais pas).
    Déménagement à Paris et début de quelques soucis sur les doigts.
    Arrivée à Dijon : la catastrophe, les extrémités des doigts qui pèlent, fissurent, font des écailles, avec pendant un grande partie du temps de gros soucis de sensibilité aux doigts …. Pour le coup, diagnostic immédiat de psoriasis de mon médecin, avec effectivement le commentaire de mettre de la crème et on ne fait rien d’autre vu la dangerosité des traitements.
    Mais ce qui me fait penser que l’environnement est en cause, c’est que ma mère a aussi déménagé vers Dijon quelques années après moi et voit apparaître les mêmes problèmes. Je soupçonne le contact avec l’eau du robinet, sans certitude.

  14. Très beau texte, merci, j’ai été très touché en le lisant. Je partage les réserves de Docteur du 16 sur le ton un petit trop enthousiaste envers les anti-TNF, mais je crois qu’on peut considérer que à partir du moment où vous déclarez ces conflits d’intérêt (certes minimes, mais on sait depuis longtemps que ce n’est pas la taille qui compte ;-) !), vous avez rempli votre devoir d’honnêteté, et que c’est notre devoir à nous, lecteur, de se dire « ok, elle est probablement un peu plus influencée par les louanges qu’elle a entendu lors des congrès que par les critiques qu’il faut aller chercher dans des revues non-sponsorisée ».
    En tant que généraliste, je suis toujours un peu perturbé lorsqu’on présente la phrase « c’est psychologique » comme une façon de se débarrasser des malades. Il est possible et même probable que c’est le cas pour certains médecins, mais le fait de reconnaître une participation psychique, totale ou partielle, à une maladie, devrait être une porte ouverte vers un élargissement de la prise en charge, et certainement pas une porte qui se ferme.

    • Merci pour votre commentaire.
      Sur l’aspect psychologique qui devrait s’inscrire parmi plein d’autres choses dans la prise en charge globale du patient, je suis évidemment d’accord avec vous. Malheureusement tout le monde ne le conçoit pas comme ça…
      Sur le côté « optimiste » du billet, oui c’est un billet qui dit « il y a des traitements » et « on peut faire des choses » mais il est évident que ces traitements ne sont pas anodins et réservés aux formes sévères en échec des traitements de 1ère ligne. Prescrire est d’accord avec cette attitude (pour plus de détails, voir ma réponse à DocDu16).
      Quand au fait que la crédibilité de mon propos se trouve amoindrie par le fait que j’ai des conflits d’intérêts, cela m’attriste, mais c’est une critique légitime à laquelle je m’attendais. Je ne peux rien y répondre si ce n’est que je m’efforce de prendre en charge mes patients avec honnêteté humaine et intellectuelle et qu’en regardant en face mes éventuelles influences j’essaye de minimiser leur impact.
      J’écrirai bientôt la dessus avec Totomathon…

      • Merci pour votre réponse ;-) ! Et encore toutes mon admiration et mon respect pour vos écritures.
        En ce qui concerne l’attitude face aux troubles « psys », j’ai relu récemment l’ouvrage de Lelord et André sur les « personnalités difficiles », qui explique notamment que une des raisons pour lesquelles il a été choisi de substituer le terme « histrionique » à « hystérique », c’est en partie parce que certains médecins eux-mêmes utilisent ce dernier diagnostic pour « disqualifier » des patients – nous avons tous vécu ça durant nos études !
        En ce qui concerne les conflits d’intérêts, personnellement je me suis efforcé de recevoir les « VM » durant 10 ans, avant que La Revue Prescrire et mes confrères enseignants finissent de me convaincre que ce n’était pas compatible avec une exigence d’indépendance intellectuelle – pour l’anecdote, lorsque j’ai annoncé à mes derniers visiteurs que je ne les recevrai plus, j’ai été agréablement surpris du nombre de « je le regrette, mais je vous comprend très largement ! ». Évidemment, en médecine générale, je conçois que c’est beaucoup plus facile que dans d’autres spécialités : nos congrès et revues, du moins les meilleurs d’entre-eux, sont pour la plupart auto-financés par la profession, et sont rarement aux Maldives ;-) (quoique j’imagine que organiser un congrès de boutonologie sous des latitudes pourvoyeuses de mélanome, ça ne doit pas faire sérieux ;-) )

  15. Bravo Boutonnologue. ça sent le vécu ++++. On pourrait faire le même billet sur tellement de dermatoses « pas graves »……Il y en a des caisses aussi dans mon hôpital….. Ou sur nos petits ados acnéiques et parfois si mal dans leur peau, qui réclament de l’isotrétinoine pour 2 boutons et demi, et ne comprennent pas qu’on ne les comprenne pas…….

  16. bonjour

    depuis que j’ai lu ce billet la première fois, j’y reviens régulièrement.

    je suis atteint d’une psychose et les mots que vous mettez dans la bouche du patient que vous décrivez m’émeuvent profondément (sauf le truc de quand il fait l’amour avec sa femme).

    donc merci beaucoup pour ce billet

  17. Bonjour,

    Au grès des billets, des liens vers les copains je suis arrivée chez vous, puis sur ce billet.
    Je fais du psoriasis depuis une dizaine d’année, en gouttes (sinon c’est trop facile!) sur les bras, les jambes, le ventre, le dos le cuir chevelu et le visage (allons-y gaiment)
    Chez moi ce n’est pas le stress mais la fatigue qui fait des poussées … Normalement là les médecins trouvent ça étrange, en tout cas ceux que j’ai rencontré.
    Des traitements j’en ai testé, un paquet, avec ou sans cortisones, a mettre, une/deux/trois fois par jour (qui s’est qui se déshabille dans les WC du lycée à la récré pour se tartiner le dos … !), en PUVathérapie, huiles essentielles, … et finalement rien ne marchant, le mépris … comme beaucoup je pense
    Sur le visage j’arrivais a peu près à y contenir avec des crèmes plus hydratantes que traitante, et des bonnes nuit de sommeil.
    Mais finalement c’est un savon « presque » tout bête qui marche le mieux, en 1 semaine, plus rien, ça fait 2 mois que je l’utilise, et si le pso ne me gênait « pas plus que ça » c’est le bonheur de retrouver une peu douce et plus un grattoir permanent.
    J’imagine ne pas pouvoir cité la marque ici, mai si les administrateurs du site le souhaite, je leur transmets avec plaisir, en espérant qu’il marche sur d’autres (autour de moi en tout cas ça marche bien)

    Merci pour vos partage,
    Bonne continuation

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