Vol au-dessus d’un nid de foufous (3): Pipou

En arrivant à l’UMD, je m’étais préparé à tomber sur des gros psychopathes de la mort… Mais mon premier patient fut Pipou.

Pipou a bien un prénom (Philippe), et un nom de famille même, mais personne ici ne semble les avoir jamais employés. C’est contraire à tout ce qu’on m’a raconté dans mon stage de séméiologie évidemment, mais il aurait semblé incongru à tout le monde de vouvoyer ce grand enfant dans un corps d’adulte, et de l’interpeler autrement que par son diminutif.
Car Pipou est oligophrène : du grec « oligo- » (petit) et « -phrène » (esprit). Un petit esprit coincé dans un crâne aux cheveux poivre et sel. Un « débile mental » aurait-t-on dit au Café du commerce.
Paye ton fou dangereux ! Bien loin de Jack Nicholson et Joe l’Indien en tout cas. Pour l’adrénaline, on repassera.

Pipou a donc posé des problèmes de comportement, il y a longtemps, qui l’ont conduit jusqu’à l’UMD. Mais lorsque je le rencontre, il ne présente plus réellement de danger pour autrui depuis plusieurs années. L’absence de structure adaptée prête à Lire la suite

Vol au-dessus d’un nid de foufous (2) : un jour sans fin

J’ai 19 ans, ma maigre pratique du soin se résume jusqu’alors à un « stage infirmier » en début de deuxième année, et quelques matinées passées à l’hôpital à apprendre la séméiologie ; je viens de prendre mon poste d’aide-soignant à l’UMD pour l’été, je suis encore un peu perdu.

À vrai dire je ne sais pas encore trop à quoi m’attendre. Je fantasme plus ou moins sur des patients solidement contentionnés, ou lobotomisés lourdement sédatés.
Sauf que non : miracle de l’accoutumance, je trouve mes nouveaux protégés étonnamment bien réveillés malgré les doses de psychotropes d’hippopotame qu’ils reçoivent. Vigilance constante.

Il y a bien plus qu’un haut mur garni de quelques fils électriques qui nous sépare de la vraie vie. À l’intérieur, le temps s’écoule différemment, lentement, très lentement, et il érode tout le monde, soignants compris.
Le matin, après de brèves transmissions, nous commençons par réveiller les patients.
« Bonjour monsieur, vous me suivez pour Lire la suite

Au bout du couloir

Etudiante, j’ai fait pas mal de petits boulots, plus ou moins en rapport avec le milieu médical.
Celui-ci m’a particulièrement plu, même s’il m’est arrivé des histoires un peu tordues. Arff, peut-être PARCE qu’il m’est arrivé des histoires un peu tordues. Celle-ci est vraiment affreuse, en fin de compte. On pourrait dire qu’elle m’a carrément ouvert les portes de la perception, quelque part…

J’ai travaillé en prison.

En tant qu’externe, on a le droit de Lire la suite

Perdus de recherche Google (S01E01)

Quelle meilleure occasion que les Césars et les Oscars pour recycler sans vergogne les Googlars de Jaddo, qui elle-même avait popularisé ce concept emprunté à Thomas / Un infirmier (on n’a pas réussi à remonter plus loin l’arbre généalogique) ?
Comme en plus il s’agit du quatrième moiniversaire du blog, hop, déballons les bulles et la guimauve !

Voici donc une petite compilation des requêtes Google ayant mené certains internautes sur le blog. Environ 90% de ces requêtes sont cryptées, ce qui est malheureux car on a déjà eu quelques belles surprises avec les autres qu’on vous présente ici !
On n’a d’ailleurs pas compris à chaque fois pourquoi Google pointait sur nous ; Juls nous a déjà résolu quelques une de ces énigmes sur Twitter, n’hésitez pas vous aussi à Lire la suite

T2Amours (mon pays et Paris)

Sur la place de Tibourg, sous les platanes, en face de la fontaine.
Maguy de Michun, Annabelle Micheux et Marie-Micheline Michois, arborant des chevelures grises (aux discrets reflets violets) parfaitement permanentées, ont pris place sur le banc en pierre, en appui sur leurs cannes. Un peu plus loin, une femme plus jeune, une marginale, mademoiselle Leïa, est appuyée contre la rambarde protégeant les ruines de la vieille tour de guet, et semble parler avec une boîte de conserve.

Les trois vieilles dames palabrent vivement. Il faut savoir Lire la suite

La morgelle dans la peau

16h30, le ventre mou d’un après-midi de consultations sur rendez-vous.
Je me prends une petite pause sur le site internet de Prescrire Twitter avant de recevoir la prochaine patiente. Elle est dans la région depuis seulement quelques semaines et cherche un nouveau médecin traitant.
L’interrogatoire et l’examen clinique me mènent à un superbe diagnostic d’eczéma, un peu de dermocorticoïdes et le tour est joué, mais bon je ne suis pas dermato.

La consultation se déroule normalement, diagnostic fait, explications sur le traitement données. J’espérais avoir tout bien expliqué quand soudain :
« Dites, docteur… Est-ce que je peux Lire la suite

T’as le look cocognition

Logie de la Mode, et du comportement en général.

« Don’t judge a book by its coverscribens »

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Les neurosciences c’est compliqué.
Si vous en voulez une preuve indiscutable, un de mes bouquins de vulgarisation (auprès d’un public de neurologues) qui aborde la réalité scientifique avec une rigueur et une précision équivalente à celle d’une maîtresse de CE1 expliquant le système solaire, fait quand même 943 pages (pour les masochistes, c’est Neurosciences, 4th edition, Sinauer Associates).

Et dans les neurosciences, le plus compliqué, c’est la cognition.
J’ai déjà fait plusieurs powerpoints sur ce sujet (dont, si vous avez bien suivi, le niveau scientifique est comparable à celui du gosse de CE1 qui après son cours, entreprend  d’expliquer le système solaire à ses parents avec une cerise et une orange). Un de mes problèmes pour faire passer le message est que je n’ai jamais trouvé d’analogie permettant de présenter les mécanismes de cognition à des moldus non-neurologues.

Mais tout vient à point à qui sait Lire la suite

Vol au-dessus d’un nid de foufous : J1

« Bonjour, je cherche l’UMD.
– Ah oui, alors prenez à droite, vous allez longer un grand bâtiment en tôle, c’est la laverie, et après c’est tout de suite à gauche. »

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 Je viens de finir ma 2ème année de médecine et j’ai décidé de travailler pendant la moitié de mes trois mois de vacances. Je ne sais pas encore à quel point on peut regretter a posteriori cette époque bénie. Je ne sais pas encore qu’une fois devenu externe on est presque toujours aussi fauché mais on cesse définitivement d’être un enfant profitant d’un été sans fin. Mon statut d’étudiant en médecine m’octroyant une équivalence, j’ai comme plusieurs de mes camarades postulé pour un remplacement d’aide-soignant. Les hôpitaux cherchent toujours des intérimaires en été pour suppléer les vacances du personnel titulaire.

On m’a promis un poste en cardiologie dans un hôpital régional, mais un coup de téléphone, interrompant une partie de football au soleil, va finalement bouleverser ces prévisions. On me propose d’aller plutôt Lire la suite