Le grand test de la rentrée : quel patient êtes-vous ?

Recyclant sans vergogne les bonnes idées de Judge Marie qui nous gratifie chaque été d’un test de personnalité [1 & 2] d’une rigueur scientifique à faire pâlir les Cosmo et Grazia du monde entier, nous avons nous aussi décidé de remettre le couvert cette année.
En 2014, nous vous proposions de découvrir quel genre de médecin vous étiez. A l’orée de la rentrée, alors que vous allez emmerder retourner chez votre médecin pour mettre à jour votre carnet de vaccinations et renouveler votre certificat d’aqua-zumba (ou pire), nous vous livrons LE test infaillible pour découvrir votre profil en tant que patient. Reconnaissez que jusque-là, l’enchaînement est d’une logique implacable.

Vous connaissez le principe, chaque réponse est associée à un petit symbole : vous choisissez la réponse qui vous correspond le plus, vous faites la somme de chaque symbole obtenu, et enfin seulement vous vous rapportez aux résultats en bas de page (ne trichez pas, vous n’avez plus 5 ans comme lorsque vous commenciez les labyrinthes par la sortie dans le Journal de Mickey).
N’ayant pas voulu décevoir nos lecteurs les plus indécis, obsessionnels, voire présentant de légers troubles de la personnalité, nous avons aussi réalisé quelques triviales vérifications statistiques afin de vous permettre de Lire la suite

Vol au-dessus d’un nid de foufous (3): Pipou

En arrivant à l’UMD, je m’étais préparé à tomber sur des gros psychopathes de la mort… Mais mon premier patient fut Pipou.

Pipou a bien un prénom (Philippe), et un nom de famille même, mais personne ici ne semble les avoir jamais employés. C’est contraire à tout ce qu’on m’a raconté dans mon stage de séméiologie évidemment, mais il aurait semblé incongru à tout le monde de vouvoyer ce grand enfant dans un corps d’adulte, et de l’interpeler autrement que par son diminutif.
Car Pipou est oligophrène : du grec « oligo- » (petit) et « -phrène » (esprit). Un petit esprit coincé dans un crâne aux cheveux poivre et sel. Un « débile mental » aurait-t-on dit au Café du commerce.
Paye ton fou dangereux ! Bien loin de Jack Nicholson et Joe l’Indien en tout cas. Pour l’adrénaline, on repassera.

Pipou a donc posé des problèmes de comportement, il y a longtemps, qui l’ont conduit jusqu’à l’UMD. Mais lorsque je le rencontre, il ne présente plus réellement de danger pour autrui depuis plusieurs années. L’absence de structure adaptée prête à Lire la suite

Venez comme vous êtes (mais sans votre utérus)

Premier jour de stage, laïus du patron aux internes, l’une de nous est en surnombre pour grossesse :
« Bon, les filles, j’espère que personne ne compte tomber enceinte ce semestre ! »

Je suis PH. Comme chaque année depuis cinq ans, je demande à ma chef de service, l’autorisation UNE fois dans l’année de décaler la visite du mardi de 9h00 à 9h30 pour pouvoir accompagner mes enfants le jour de leur rentrée des classes :
« Euuuh… Oui, oui, si vous y tenez. Mais je ne comprends pas bien pourquoi, ce n’est pas le genre de choses dont votre mari, ou vos parents, pourraient s’occuper ? »
(Ils pourraient oui. J’ai juste envie de le faire moi en fait)

À propos d’une copine CCA en congé maternité :
« Faudrait qu’on profite de son arrêt pour la faire avancer sur l’article là. Elle sera sûrement contente en plus, souvent elles s’ennuient pendant cette période et n’osent pas le dire.

La cadre sage-femme à l’équipe alors que deux d’entre nous sont enceintes :
« Non mais vous savez si ça ne tenait qu’à moi je n’embaucherais que des hommes et puis voilà. »

L’infirmier anesthésiste au bloc, s’adressant à moi (externe) :
« T’as beau être la plus jeune t’as du en voir des kilomètres de bites toi ! »

Ma PUPH qui m’appelle juste après mon accouchement :
« Et surtout pense à Lire la suite

Vol au-dessus d’un nid de foufous (2) : un jour sans fin

J’ai 19 ans, ma maigre pratique du soin se résume jusqu’alors à un « stage infirmier » en début de deuxième année, et quelques matinées passées à l’hôpital à apprendre la séméiologie ; je viens de prendre mon poste d’aide-soignant à l’UMD pour l’été, je suis encore un peu perdu.

À vrai dire je ne sais pas encore trop à quoi m’attendre. Je fantasme plus ou moins sur des patients solidement contentionnés, ou lobotomisés lourdement sédatés.
Sauf que non : miracle de l’accoutumance, je trouve mes nouveaux protégés étonnamment bien réveillés malgré les doses de psychotropes d’hippopotame qu’ils reçoivent. Vigilance constante.

Il y a bien plus qu’un haut mur garni de quelques fils électriques qui nous sépare de la vraie vie. À l’intérieur, le temps s’écoule différemment, lentement, très lentement, et il érode tout le monde, soignants compris.
Le matin, après de brèves transmissions, nous commençons par réveiller les patients.
« Bonjour monsieur, vous me suivez pour Lire la suite

Secret story

Le 17 avril 2014, un médecin généraliste angoumoisin [1] a été convoqué au tribunal devant le délégué du Procureur, afin que celui-ci procède à son égard à un rappel à la loi. Il lui était en effet reproché d’avoir refusé de communiquer aux services de police tout élément permettant de confirmer ou d’infirmer les déclarations d’un mis en cause qui avait assuré, durant sa garde à vue, s’être trouvé au cabinet du médecin concerné tel jour, à telle heure.
Le médecin, accompagné de son avocat, a refusé d’entendre ce rappel à la loi, indiquant avoir légitimement pu opposer aux enquêteurs le secret médical le liant à chacun de ses patients.
Le Procureur de la République a fait savoir à la presse qu’il ne donnerait aucune suite judiciaire à cette affaire, affirmant : « Je n’avais pas l’intention de le faire au départ, et il n’est pas dans mes intentions de poursuivre », mais également qu’il entrait dans ses attributions de Lire la suite

Ça pique ?

– Putain ça caille.
– …
– Allez fais pas cette tête, si ça se trouve c’est rien, et puis si c’est pas rien on recommencera.

Attends, j’ai vraiment dit ça ????
Des fois, plus la situation est dure, plus les propos sont stupides.

Dehors ça sent bon, ça sent l’été. Si c’était pas une journée de merde, ce serait une belle journée.
Et dedans, bah dedans ça sent l’hôpital, ça pue l’hôpital même, ça sent le désinfectant, la mort, la peur, l’angoisse. Mon angoisse.

.

– Bonjour, je suis étudiant en médecine, c’est moi qui vais Lire la suite

Au bout du couloir

Etudiante, j’ai fait pas mal de petits boulots, plus ou moins en rapport avec le milieu médical.
Celui-ci m’a particulièrement plu, même s’il m’est arrivé des histoires un peu tordues. Arff, peut-être PARCE qu’il m’est arrivé des histoires un peu tordues. Celle-ci est vraiment affreuse, en fin de compte. On pourrait dire qu’elle m’a carrément ouvert les portes de la perception, quelque part…

J’ai travaillé en prison.

En tant qu’externe, on a le droit de Lire la suite

Strangers in the night

Ça commence toujours par une absurdité, une connerie, une sollicitation de survenue inopportune, qui vous plonge dans le désarroi et vous laisse une cicatrice moche et dégoûtante.

Parfois le goût amer dans la bouche a comme origine un simple message laissé sur un répondeur, et écouté en sortant de cours : « Allô oui c’est l’hôpital ! Vous faites partie des étudiants en médecine qui travaillent comme aide-soignant ? Votre carte d’identité est périmée, on peut pas faire votre contrat, et on peut pas Lire la suite

Venez comme vous êtes

Lundi matin, tu n’as pas eu besoin de me dire que tu venais me voir pour une grosse déprime ce jour-là. C’était la première fois que je te voyais sans ton impeccable maquillage.

Lundi soir, comme à chaque fois que je te déshabille, je retrouve dans ton gilet et ton corsage les vestiges du petit-déjeuner et du repas du midi de ta maison de retraite.

Mercredi matin, tu m’amènes ton fils à 10h30 parce qu’il a toussé toute la nuit. Il est en pyjama, et toi aussi.

Jeudi matin, je sais que je vais avoir du retard, car tu as comme toujours huit couches de vêtements à enlever : trois pulls, une chemise, deux T-Shirts, un sous-pull et un maillot de corps (mais jamais les mêmes). Tu prétends que ton précédent médecin arrivait à écouter à travers.

Jeudi après-midi, comme depuis sept ans que je te suis, tu portes ce slip que je n’ai jamais connu blanc et qui tient désormais avec une épingle à nourrice. Il doit te porter bonheur, tu es toujours en rémission.

Samedi matin, tu te présentes voilée avec tes deux enfants pour les faire vacciner.

Lundi matin, tu portes une jolie écharpe avec des boules de fourrures. Lundi soir, je rentre chez moi avec une jolie écharpe avec des boules de fourrures. Tu en avais acheté trois : une pour toi, une pour ta fille, et une pour ton docteur.

Mardi matin, à la visite, tu vas mieux et tu aimerais Lire la suite